LIBERTALIA
présenté par Lieu-Commun dans le cadre du Printemps de Septembre à Toulouse « Là ou je vais, je suis déjà »
Exposition du 26 septembre au 19 octobre 2008
Avec David Coste, Jean Denant, Laurent Mulot, Yannick Papailhau
L’Été Indien Libertalia, récit d’une communauté pirate du XVII siècle qui aurait été implantée pendant 25 ans sur la côte nord de Madagascar, a été relatée dans “ Histoire générale des plus fameux pyrates “, sous le pseudonyme de Charles Johnson par Daniel Defoe auteur de Robinson Crusoé.
Cette tentative, récit clairvoyant des futures révolutions du XVIII siècle, hors du temps par son caractère mythique et utopique, annonçait différents mouvements tels que le Fouriérisme, et plus certainement les collectivités agraires d’Aragon en 1936 ou les Zones d’Autonomies Temporaires énoncées par Achim Bay.
Libertalia est aussi le titre de l’exposition que propose Lieu-Commun dans le cadre du Printemps de Septembre 2008 avec David Coste, Jean Denant, Laurent Mulot et Yannick Papailhau. Pour cette édition nous accueillerons également les artistes choisis, pour la résidence des Arques dans le Lot, par Claire Moulène et Mathilde Villeneuve, commissaires invitées.
Libertalia ne se veut pas l’apologie d’une pensée communautaire, mais reprend l’’idée de Defoe qui en écrivant une histoire des pirates s’est servi de son texte à visée documentaire comme cheval de Troie pour exposer librement ses thèses égalitaires et donner l’exemple d’une société libertaire. C’est dans un Lieu-Commun qui devient l’espace d’un “Printemps” le territoire commun de 2 expositions que s’immisce Libertalia. Les artistes David Coste, Laurent Mulot, Jean Denant et Yannick Papailhau ne sont ni auteurs de travaux documentaires, ni vecteurs de pensées utopistes contemporaines. Leurs travaux, plastiquement hétérogènes, sont tendus par des intentions proches. Libertalia déploie ses propres contours qui revêtent deux aspects, le lisse et le fini chez David Coste et Laurent Mulot, le rugueux et l’inachevé chez Jean Denant et Yannick Papailhau. Du côté du poli, les premières sensations sont trompeuses. David Coste est le “promoteur” d’un univers étrange, que ce soit dans le projet “Nowhere” ou la “La réalité des fantômes”, ou s’interpénètrent réel et fantastique. Les paysages de Nowhere dégage une étrangeté diffuse soulignée par le lent ballet hypnotique de la caméra. Laurent Mulot, avec ses bornes d’accès à l’aspect administratif, restitue l’exotisme de ses centres d’arts fondés “au milieu de nulle part” réduits à des plaques signalétiques apposées sur les maisons des personnes à qui il en confie la garde. Ces propositions qui semblent évoquer le travail de bureaux d’études décalés sont mises en balance avec les univers foutraques de Jean Denant et Yannick Papailhau. Chez ce dernier, équilibre précaire, tension et banalité des matériaux renvoient aux délires d’un architecte édifiant des tours de Babel volontairement bancales. Jean Denant quant à lui utilise les matières premières trouvées sur place auxquelles il insuffle une force narrative fictionnelle: une plaque de polystyrène extrudé bleu, devient une ville rampante aux limites incertaines, où voisinent ruines et chantiers. Ces quatre artistes investissent le champ d’une anticipation nostalgique de ses futurs vestiges. L’intention n’est elle pas de jouer avec un rétro- futurisme camp, mais bien d’affirmer leur confiance en un avenir incertain. Libertalia est une tentative, une cartographie floue d’un univers mouvant où se mêlent fiction et concret. Libertalia n’est pas une carte qui impose ses plis, mais un planisphère sur un papier à cigarette.
Commissariat Lieu-Commun : Laurent Bardèche, Bertrand Parinet, Manuel Pomar.
David COSTE
(Toulouse) “La Réalité des Fantômes”
Les créateurs d’utopies rêvent d’une société idéale et évoquent dans leurs récits des mondes parfaitement heureux. Leurs différents récits font référence à une société harmonieuse tant sur le plan des castes qui la composent que sur leur structure architecturale. Une rationalisation de l’espace et des fonctions sociales des personnes composant cette société est selon leurs auteurs nécessaire au bon fonctionnement de ses sociétés modèles. Ses règles garantissent, selon les différentes versions des utopies, une harmonie interne mais aussi une forme de protection contre des envahisseurs potentiels. En effet, ces sociétés sont souvent protectionnistes et comme c’est le cas dans le modèle de cité évoqué par Platon, elles excluent toute une partie de la population. Les envahisseurs potentiels évidemment mais aussi les infirmes, les handicapés. “instant prolongé” L’utopie est un territoire de l’esprit. Ethymologiquement, il contient tous les indices nous invitant à déduire qu’il s’agit d’une fiction. Utopie signifie lieu de nulle part mais aussi lieu hors du temps, c’est l’expression d’un désir, d’une impossibilité de réalisation, de territorialisation, un non lieu hors du temps et de l’espace réel. Le salut des utopies réside donc dans le fait qu’elles n’existent pas et que leur vocation ne dépasse pas celle de modèle absolu. “instant prolongé”
Ma démarche consiste actuellement à chercher quelles sont les utopies contemporaines et quel est leur rapport au réel. Dans ce cadre, j’ai déjà recensé différents lieux témoignant d’une relation aux utopies. Il s’agit d’utopies localisées que Michel Foucault qualifie d’hétérotopies, des espaces autres ou contre-espaces. Dans un premier travail nommé “Instant prolongé”, je présentais quatre lieux correspondant à des caractéristiques relevant des hétérotopies. Ces lieux échappaient à la fois au temps par leur relation aux loisirs, mais ils évoquaient aussi une certaine forme d’absolu par leur aspect fictionnel. Dans ce travail j’interrogeais la façon de retranscrire leur potentiel atypique, mais aussi ma perception de quatre lieux. “Instant prolongé” abordait donc la question de la retranscription de l’espace à travers une forme de documentaire subjectif. Ce travail de captation visuelle et sonore est tout d’abord une démarche photographique et phonographique. Pour cela, je fais plusieurs clichés du lieu choisi, ensuite les photographies sont assemblées pour former un grand panoramique qui dévoile un nouveau point de vue sur l’espace. Ce point de vue est artificiel puisqu’il combine en une seule image plusieurs espaces temps différents, la vision qu’il confère sur le lieu est une vision impossible puisqu’elle restitue à plat un champ de vision entre 120° et 180°.
Jean DENANT
(Sète) “Around the World”
Une planisphère martelé dans le mur à l’échelle d’une embrassade, révélant continents et nations dans les béances de la surface, trous et fissures pour les terres, surfaces lisse et blanche pour les océans. Non loin de là, dans la pénombre, éclairé par le bienvenue et bien nommé, néon blafard, un modèle réduit de pelleteuse à monter soi même, en cours de fabrication à l’aide d’élément de placoplatre soustrait aux cimaises de l’espace d’exposition. L’absence de ces mêmes pièces laisse des jours dans les murs, révélant l’envers du décor du dit espace d’exposition, apparaissent l’atelier, l’établi, les stocks de bois, de pièces diverses, les outils, l’indispensable au travail artistique, la régie. Jean Denant l’auteur des ces pièces, en plus de son aisance ludique à révéler le monde, s’attache finement à produire une oeuvre in situ au sens strict. Le lieu d’exposition devient ici littéralement une carrière, l’endroit où l’on prélève la matière première essentielle à la réalisation de l’oeuvre ou l’illustration efficace du dicton “se nourrir sur la bête”. L’économie de moyen poussé à son paroxysme. L’intérêt de se positionnement réside autant dans la posture économique, que physique. Ici la planisphère n’est pas seulement une image du monde, elle rappelle la présence corporelle de l’artiste, son échelle face au mur d’exposition, la distance de son corps au bâtit, l’écartement de ses bras définisse la surface de l’oeuvre. Imaginez celui-ci, burin et marteau à la main confronté à la parois vierge, inscrire de mémoire la représentation plane de la terre.
Jean Denant affirme son inscription au monde et surtout l’inscription de l’art et de ce que parfois il atteint, la révélation d’une globalité, par la déclaration d’une singularité.
Laurent MULOT
(Lyon) “Middle of Nowhere”
Réseau international des centres d’art contemporain fantômes.
Middle of Nowhere (MOFN) est un projet/oeuvre de Laurent Mulot dont l’objectif est de fédérer un réseau de centres d’art contemporain fantômes créés à partir du Centre d’Art contemporain Fantôme de Cook en Australie. Ce projet, qui rassemble des projections, des photographies, des objets et des sons, trouve son origine dans le voyage en train qu’a fait Laurent Mulot en Australie en 2001. A l’occasion de la traversée d’Ouest en Est de ce pays, il découvre Cook, une petite ville ferroviaire située en Australie Méridionale. Cook ne compte plus que deux habitants, dont l’activité est largement liée au passage du train. L’exploration de cette ville devenue « fantôme » et un nouveau voyage en 2003 (au cours duquel il en documente les différents aspects) conduisent Laurent Mulot à y ouvrir un centre d’art contemporain fantôme : le CGCAC Cook Ghost Contemporary Art Center). Les deux habitants de Cook deviennent les gardiens de ce site fantôme. La première étape de ce projet donne lieu à la réalisation d’une installation multimédia signée Laurent Mulot. Le moteur de cette installation est un site internet intitulé www.mofn.org. A ce jour plus de deux cent membres de Middle of Nowhere ont été rassemblés et leurs portraits « fantômes » sont conservés dans les différentes collections permanentes des centres d’art contemporains fantômes. Cette installation in progress a été montrée dans différents endroits du monde (Australie, Chine, France,Brésil,Maroc).
« Middle of Nowhere » , est aussi une association de loi 1901, qui a pour but de fédérer ce réseau de lieux fantômes. Le site Internet éponyme présenté ici met à jour de nouveaux lieux qui ont les mêmes caractéristiques que celles du CGCAC, le centre d’art fantôme « originel » : difficulté d’accès, quasi impossibilité d’y séjourner et haut potentiel fictionnel. A partir du CGCAC situé à Cook, Middle of Nowhere crée donc des filiales, toutes situées sur un territoire réel, en collaboration avec les gens qui y habitent ou qui l’administrent. Son unique ambition consiste à faire naître et à développer un geste artistique improbable, aussi réel que virtuel, au milieu de nulle part. Cinq centres d’art contemporain fantômes ont été déjà inaugurés sur les 5 continents, le sixième est en cours de « construction »en Antarctique.
Site Middle Of Nowhere : www.mofn.org
Laurent Mulot est représenté par la Galerie Françoise Besson, Lyon.
_ Lien Galerie Françoise Besson : www.francoisebesson.com
Yannick PAPAILHAU
(Marseille) “Allez ! Zou Gallinette”
J’ai décelé une analogie entre l’écriture, le dessin et le volume. La méthode : Comment les choses s’assemblent, s’ajustent, se déclinent? Tout d’abord des lettres, des mots, des phrases, une histoire, puis le trait, la forme, la couleur, une ébauche, enfin des fragments, une structure, un corps, une sculpture. L’écriture donne du sens… donne du sens ? Au départ cette découverte m’a parue évidente car l’écriture participe toujours au bon développement du travail ; cela permet de chercher, trier, agencer nos idées, mais écrire c’est aussi complexifier, fragmenter, multiplier, les possibilités créatives. Une étude, celle du monde, pris dans un maelström continuel de fouille à l’intérieur duquel les choses s’épanouissent, se construisent, se déplient encore et encore, dans lequel nos perceptions sont bouleversées, excitées, exaltées. Il existerait un élément pouvant stopper net cette instabilité, celui du regard, le simple fait de déposer nos yeux, ces deux petites billes farandoles, pourrait figer moment, cristalliser pour un instant, l’objet. Notre tête est une coque dans laquelle sont concentrés des trucs, des procédés, des astuces, des secrets, bruits échos chocs, ça pétille crépite scintille. Je me suis souvent posé cette question enfant quant à ma première vision du monde, enfin, pas la toute première évidemment bien enfouie dans mon encéphale, mais celle d’un enfant de cinq ans fixant le sol pendant plusieurs secondes et découvrant une terre se rétractant sur elle-même, cette impression du monde s’est répétée plusieurs fois jusqu’à… jusqu’à il n’y a pas si longtemps. Comprendre que n’importe quel objet peut s’envoler pareil au lépidoptère c’est réaliser l’importance de la matière, imaginer son devenir, flairer sa huppe. Un attrait pour les mathématiques, ma raison détrempée muette face à cet édifice, un sentiment paradoxal qui me pousse à amorcer ce PETIT voyage poétique, entre théories fantasques et histoires abstraites le formidable yearling me mènera à la découverte de l’amphigourique. « Détourner, contraster, fleurer l’architecture qui pour un instant devient support de ce qui parait. Dialogue entre l’être et ce qui est né de l’être. Dialogue furtif d’éléments déposés ainsi. Extraire l’instant pour le transposer dans un ordre cloisonné. Cloisonner pour percevoir le pus profond ». Appréhender un espace, l’agencer, un prétexte la construction d’un milieu situé entre sculpture et architecture, entre la réalité et d’autres dimensions…
Nocturnes les 26, 27 septembre et 3 , 4 octobre jusqu’à 00h30
www.printempsdeseptembre.com